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Contexte historique et religieux

La période allant du début du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle est cruciale pour le développement et l’évolution matérielle et spirituelle de la vie des religieux réguliers en France[1].

Un XVIe siècle trouble et agité

Au début du XVIe siècle, religieux et religieuses vivent sur leurs acquis, en continuité avec la période médiévale précédente. Leur entrée dans l’ère de la modernité historique ne semble pas affecter leur mode de vie, héritier d’une longue tradition. Il leur confère prestige, puissance temporelle et quiétude spirituelle. Mais le XVIe siècle est le siècle de la rupture avec l’essor rapide du protestantisme. Celui-ci bouleverse le cadre de vie des religieuses non seulement par la tentation de la conversion mais aussi par les désordres occasionnés par les guerres de religion. Attaques et destructions de monastères, spoliations de biens temporels, dispersions des communautés troublent sur le plan matériel la vie monastique des religieuses et entrainent aussi un relâchement du spirituel.

Un XVIIe siècle flamboyant

Ce sont donc des communautés régulières considérablement diminuées qui entament le tournant du XVIIe siècle. Mais leur destin est scellé à Rome, lors du Concile de Trente(1545-1563)[2] : ce sera la réforme[3]. Le XVIIe siècle est celui du catholicisme triomphant réformant largement et luttant contre le protestantisme. Il est considéré comme l’un des siècles les plus brillants de l’histoire religieuse régulière. Ainsi, les couvents se réforment de l’intérieur grâce à l’énergie d’une génération de jeunes abbesses déterminées. Bénédictines et cisterciennes tiennent donc leur rang parmi les étoiles de ce « siècle des saints », ponctué pourtant par la crise janséniste, facteur de troubles dans les communautés. 

L’essoufflement du XVIIIe siècle

Le XVIIIe siècle est plus contrasté pour les moniales. À partir du milieu de ce siècle, elles souffrent d’une perte de prestige et d’un affaiblissement des vocations. Vivement attaquées par les idées philosophiques des Lumières, elles s’enlisent progressivement dans l’immobilisme. Dès le début du siècle, des difficultés financières apparaissent dans les monastères. Plusieurs commissions royales sont chargées de secourir les couvents en détresse et de procéder au regroupement ou à la suppression des communautés trop peu nombreuses ou trop pauvres : Commission des Secours (1727-1788), Commission des Réguliers (1766-1780), Commission des Unions (1780-1784), Bureau des Réguliers (1784-1789). Les abbayes sont sommées de se soumettre aux ordres du roi et des commissions qui agissent dans un souci d’efficacité, sans tenir compte du spirituel ou de la spécificité des ordres. Le travail de la Commission des Secours commence dès 1727 par une enquête sur les revenus de chaque établissement religieux. En 1742, il est décidé de limiter la réception des novices dans certains couvents.

La vie monastique féminine se maintient jusqu’à la Révolution française avec, semble-t-il, plus d’unité et d’ardeur que chez leurs confrères masculins. Les différences d’attitudes face à la Révolution française et à l’obligation de quitter le cloitre sont éloquentes[4]. La Révolution française porte un coup fatal à l’ensemble du monde religieux régulier, avec l’abolition des vœux monastiques en 1790, suivie de la confiscation des biens du clergé et de la dispersion des communautés[5].

 


[1]- Sur la vie religieuse aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, entre autre : Marcel BERNOS, Femmes et gens d’Eglise dans la France classique XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, édition du Cerf, 2003.

Robert LEMOINE, L’Epoque moderne. Le monde des religieux, Paris, Cujas, 1976 (coll. Histoire du droit et des institutions de l’Eglise en Occident, 15).

René TAVENEAUX, Le catholicisme dans la France classique 1610-1715, Paris, S.E.D.E.S, 1994, 2 vol. 

[2]- Sur le concile de Trente : Histoire des conciles œcuméniques, dir. Giuseppe ALBERIGO, Paris, éditions du Cerf, 1993, 2 vol.

Giuseppe ALBERIGO, Les Conciles œcuméniques, t. II, Paris, éditions du Cerf, 1994, p. 1344-1623 (décrets conciliaires en latin et traduits).

Hubert JEDIN, Histoire du concile de Trente, Editions Desclée de Brouwer, 1965. 

[3]- Le Décret De regularibus et monialibus du Concile de Trente note que « les Pères du Concile n’ignorant pas combien les monastères bien réglés sont utiles à l’Eglise et lui font honneur, jugent nécessaire qu’on rétablisse l’ancienne Discipline régulière dans les lieux où elle est tombée et qu’on la maintienne dans ceux où elle s’est heureusement maintenue. » Session 25, Décret du 3-4 décembre 1563.

[4]- Yves KRUMENACKER dir., Religieux et religieuses pendant la Révolution (1770-1820), Lyon, Profac, 1995, 2 tomes.

Martine PLOUVIER et Alain SAINT-DENIS, « Pour une histoire monumentale de l’abbaye de Cîteaux (1908-1998) », Cîteaux, commentarii cistercienses, Association Bourguignonne des Sociétés Savantes,‎ 1998. Martine Plouvier cite ses sources à la page 189, r. 27 : Archives Départementales Côte d’Or, Q 822 à Q 825.

[5]- Le décret du 2 novembre 1789 met à la disposition de la Nation les biens de l’Eglise, donc des congrégations religieuses. Le décret du 13 février 1790 interdit les vœux monastiques et supprime les ordres religieux réguliers. Les établissements exerçant des missions d’éducation et de charité ont un sursis jusqu’au 18 août 1792, où ils sont supprimés à leur tour. L’introduction à la Constitution de 1791 stipule que « la loi ne reconnait plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution ».