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Etude des supports

Les types de supports utilisés pour la représentation iconographique des bénédictines et cisterciennes sont multiples. Ils offrent un panorama presque complet des possibilités de l’art de l’époque. Les producteurs d’œuvres ont utilisé tous les medias disponibles de leur temps pour diffuser l’image des religieuses bénédictines et cisterciennes. 

Les estampes et gravures, supports privilégiés

Le nombre d’estampes et de gravures représente 42,2% de l’ensemble des représentations, ce qui s’explique par deux faits. D’une part, certains ouvrages disposant d’illustrations proposent plusieurs gravures. D’autre part, les livres et gravures ont moins souffert des aléas historiques du fait de la multiplicité des exemplaires[1]. L’image de la religieuse bénédictine et cistercienne est diffusée massivement via la gravure, touchant un public large et varié, sans distinction de milieu géographique ni social. La gravure est vendue à la fois dans les villes et dans les campagnes par l’intermédiaire du colporteur. Elle est bon marché, donc à la portée de toutes les bourses[2]

Tableaux pour les abbesses modernes et statues pour les saintes

Les tableaux, statues et dessins sont destinées à un public plus restreint. Ces œuvres ne sont pas aussi mobiles et sont plutôt vouées à l’usage d’une communauté, érudite et artistique dans le cas des dessins, conventuelle ou paroissiale dans le cas des tableaux et statues. C’est le cas aussi des représentations in situ, qui sont le plus souvent des fresques peintes soit aux murs soit au plafond. Les tableaux sont souvent le fait d’abbesses contemporaines des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Le tableau est présent dans les couvents et dans les églises abbatiales[3]

Les religieuses représentées sous forme de statues sont toutes des saintes. Il s’agit essentiellement de sainte Scholastique et de célèbres saintes religieuses du Moyen-Age. La vénération des saints est un élément à part entière de la pratique religieuse catholique : la matérialité de la statue permet d’incarner la sainte dans l’espace de prière[4]. Dans certains cas, la sainte peut être sainte patronne de la paroisse. La statue peut être processionnée. La représentation en statue implique que l’on rende un culte de dulie à la personne représentée, d’où l’absence de statues représentant des religieuses d’époque moderne. 

D’autres supports avantagés

Les pierres tombales sont en général très abimées et ne sont plus à leur emplacement d’origine. Elles ont souvent servi comme matériau de construction, en réemploi, pendant la Révolution française. Le saccage des lieux conventuels ou la vente à des particuliers ont conduit à un éparpillement de ce support de représentations et souvent à sa destruction. Les vitraux sont aussi très rares pour les mêmes raisons. L’art du vitrail permet de diffuser l’iconographie religieuse nécessaire à la pastorale mais aussi à répondre aux demandes de tous les donateurs qui souhaitent imprimer leur marque dans des bâtiments qu’ils ont contribué à construire. Vitraux et pierres tombales sont surtout connus à travers les dessins qui en ont été faits aux XVIIe et XVIIIe siècles par François Roger de Gaignières

La présence de reliquaires, sous la forme de châsses ou de bustes, prouve la popularité de certaines saintes religieuses avec l’installation d’un culte des reliques. Les textiles présentés sont des vêtements et ornements liturgiques ainsi qu’une tapisserie. Les émaux de Limoges, particulièrement renommés au Moyen-Age et encore aux XVIe et XVIIe siècles, sont peu nombreux mais présents[5].

Les enluminures et miniatures du corpus sont presque toutes du XVIe siècle[6]. L’enluminure est à cette époque en concurrence directe avec la gravure pour l’illustration d’ouvrages. L’enluminure n’est pas facilement reproductible et tend à être une œuvre d’art accomplie par un artisan très qualifié. Elle est chère et souvent réservée aux ouvrages des plus riches et plus puissantes personnalités. Les enlumineurs travaillent donc fréquemment sur commande. Hubert Cailleau a travaillé pour les abbés de l’abbaye de Marchiennes, représentant la fondatrice et protectrice de l’abbaye, sainte Rictrude. Jehan Perreal, aussi appelé le Maître des Entrées parisiennes, est l’enlumineur du manuscrit du Récit de la mort et des funérailles de la reine Anne de Bretagne, où il représente plusieurs fois des moniales.

Quelques objets plus insolites

Le corpus comporte aussi des objets variés tels que poupée en cire, masque mortuaire, face-à-main, cloche, gourde, objets liturgiques, sceaux, sucrier ou encore éventail.

Les monastères produisent et emploient des poupées de cire. Elles servent de référentiel pour les normes d’habillements dans le monastère car elle est habillée pour uniformiser la tenue des religieuses au sein de plusieurs communautés. Dans cette optique, la poupée habillée est emportée lors des fondations ou des réformes[7]. De plus, la production de poupées habillées en religieuses est aussi un moyen de promouvoir la vie religieuse en direction des petites pensionnaires du monastère et des dames des alentours. Enfin, la vente de ces poupées permet au monastère d’engranger quelques recettes.

Le masque mortuaire présent dans le corpus illustre une pratique de l’époque moderne qui consiste à faire de tels masques sur le visage d’abbesses défuntes et célèbres pour leur vertu ou pour la réforme qu’elles ont menée dans leur maison[8]

 

Nombre de représentations par types

 

Types de représentations

 

Nombre dans le corpus

Estampes et gravures

490

Tableaux

254

Statues

148

Dessins

123

Miniatures et enluminures

38

Représentations in situ

24

Sculptures en relief

20

Reliquaires

14

Pierres tombales 

11

Emaux

8

Vitraux

6

Céramiques

2

Objets

dont :

18

- face-à-main

4

- plaques de cuivre

3

- sceaux

2

- masque mortuaire

1

- poupée en cire

1

- cloche

1

- gourde

1

- objet liturgique

1

- médaille

1

- sucrier

1

- éventail

1

- boite

1

Textiles

 dont : 

4

- ornements liturgiques

2

- vêtement liturgique

1

- tapisserie

1

Total

1160

 

 

[1]- Sur la gravure à l’époque moderne : Marianne GRIVEL, Barbara BREJON DE LAVERGNEE, Peter FUHRING, Séverine LEPAPE et Véronique MEYER dir., L’Estampe au Grand Siècle. Études offertes à Maxime Préaud, Paris, École nationale des Chartes / Bibliothèque nationale de France, n° 9, 2010, coll. « Matériaux pour l’histoire ».

Marianne GRIVEL, « Analyser une gravure », « L’image et la lettre de l’estampe », « L'apparition de l'estampe », « Les gravures de l’École de Fontainebleau » et « L’essor européen de la gravure », dans Histoire de l’art. 3. Temps modernes, XVe-XVIIIe siècles, Claude MIGNOT et Daniel RABREAU dir., 2e éd., Paris, Flammarion, 2011, p. 32-35, 112-113, 218-219 et 280-281. 

Michel MELOT, Antony GRIFFITHS, Richard S. FIELD, André BEGUIN, L'estampe, Editions d’Art Albert Skira, 1981.

Maxime PREAUD, « Les arts de l’estampe en France au XVIIe siècle : panorama sur trente ans de recherches », dans Perspective, 3 | 2009, p. 357-390.

[2]- Par exemple, les frontispices gravés des jansénistes Nouvelles Ecclésiastiques sont vendus six sous l’unité, soit un prix modique. Christine GOUZI, L'art et le jansénisme au XVIIIe siècle, Nolin, 2007, coll. Univers Port-Royal, p. 75.

[3]- Sur la peinture de l’époque moderne : Albert CHATELET et Jacques THUILLIER, La peinture française de Le Nain à Fragonard, Genève, Editions d’Art Albert Skira, 1964.

René et Suzanne PILLORGET, France baroque, France classique, 1589-1715, Paris, Robert Laffont, 1995, coll. « bouquins », 2 vol.

[4]- Marie-Hélène FROESCHLE-CHOPARD, « De l’image protectrice à l’image enseignante, Une mutation du sentiment religieux au XVIIe siècle », dans Olivier CHRISTIN et Dario GAMBONI dir., Crises de l'Image religieuse: De Nicée II à Vatican II = Krisen religioser Kunst: Vom 2. Niceanum bis zum 2. Vatikanischen Konzil, actes du colloque organisé par l'UPRES A 5035 "Textes et histoire du christianisme", Université de Lyon II et Lyon III et par la mission historique française en Allemagne, 18-20 mars 1994, Gottingen, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1999, p.135.

[5]- Sur les différentes techniques d’émaillage : Sophie BARATTE, Les émaux peints de Limoges : catalogue, Musée du Louvre, Département des objets d’art, Paris, Réunion des musées nationaux, 2000. 

Isabelle BIRON, Emaux sur métal du IXe au XIXe siècle : histoire, technique et matériaux, Dijon, Editons Faton, 2015.

[6]- Sur les enluminures et miniatures : Christopher DE HAMEL, Une histoire des manuscrits enluminés, Londres, Phaidon, 1995.

[7]- Alain GUERRIER, « Quatre itinéraires de réforme en France au XVIIe siècle », dans Bernadette BARRIERE et Marie-Elisabeth HENNEAU dir. (et la collaboration d’Armelle BONIS, Sylvie DECHAVANNE et Monique WABONT), Cîteaux et les femmes, actes d'un colloque organisé en novembre 1998 par le service départemental d'archéologie du Val-d'oise et la Fondation Royaumont, Paris, Créaphis, 2001 (coll. Rencontres à Royaumont), p. 274.

[8]- Sur cette pratique du masque mortuaire : Julius VON SCHLOSSER, Histoire du portrait en cire. L'effigie par empreinte, de l'Antiquité aux derniers Habsbourg, trad. française par Valérie LE VOT et Édouard POMMIER, Paris, Macula, 1997.