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le rapport entre la monarchie française et les religieuses

Focus sur … le rapport entre la monarchie française et les religieuses

La monarchie française des XVIe-XVIIIsiècles et l’Eglise catholique sont étroitement imbriquées. Le roi souhaite contrôler la hiérarchie ecclésiastique pour éviter qu’elle ne soit un contre-pouvoir. L’Eglise veut être présente dans les rouages de l’Etat et de la société. L’union entre le trône et l’autel caractérise la monarchie française. 

Des rapports étroits et séculaires

Le roi est conscient des enjeux spirituels de cette alliance mais aussi politiques et économiques, à travers les réseaux monastiques et le vaste temporel des abbayes. Son intérêt est donc d’encadrer et de redresser les abbayes. Cette implication royale dans les affaires des abbayes remontent à l’époque des Pippinides et de la dynastie carolingienne pour se prolonger tout au long du Moyen-Age[1].

À partir du XVIe siècle, le roi nomme les abbés et les abbesses des abbayes non triennales. Le souverain intervient directement dans l’élection de l’abbesse en désignant sa favorite, la faisant agréer de la communauté et du pape. Une abbesse ne saurait être installée sans ses bulles papales et son brevet du roi. Les abbayes continuent d’être des instruments de la politique royale : le roi récompense ainsi les officiers de son entourage en confiant les abbayes royales à une de leurs parentes. Il faut aussi l’accord du roi pour un déménagement ou une fondation de monastère, de même que pour la fondation d’une congrégation nouvelle. En la matière, rien ne peut se faire sans lettres patentes du roi. Au XVIIe et XVIIIe siècles, le roi de France réprime ce qu’il considère comme des déviances graves dans les monastères comme le jansénisme et les cas de possessions. 

Manipulation de l’image des moniales au profit du roi et de la reine

À l’époque moderne, cette tradition séculaire se double de la nécessité pour la monarchie française de rechercher et d’afficher des appuis religieux et divins. La représentation du roi et de la reine aux côtés de religieuses bénédictines est à mettre en parallèle avec le besoin de renouveler le concept de « monarchie de droit divin », mis à mal par la question de la religion du souverain avec Henri IV, par la Fronde qui assure que le pouvoir aristocrate est tout aussi légitime que le pouvoir du roi et par la puissance montante des Parlements qui affirment que le pouvoir parlementaire serait aussi légitime que le pouvoir du roi. La famille royale requiert donc l’appui et le patronage de grandes figures saintes de la chrétienté, notamment saint Benoît et sainte Scholastique. 

Sur le tableau représentant « Anne d'Autriche et ses fils priant la Trinité avec saint Benoît et sa sœur Scholastique », sainte Scholastique et saint Benoît apparaissent comme les protecteurs de la famille royale et donc de la France. Dans la France des Temps Modernes, le portrait du souverain devient pour le pouvoir politique un moyen de propagande. Ici, ce moyen est renforcé par l’interaction qu’il a avec des personnages saints et avec Dieu.

L’imagerie convoque également les grandes figures de reines-religieuses médiévales à travers une iconographie abondante : sainte Radegonde de Poitiers, Blanche de Castille, sainte Bathilde. Elles sont présentées comme des figures maternelles, à la fois très puissantes et très pieuses. Ces figures de reines, fondatrices et religieuses, sont complétées par les représentations des femmes religieuses de la famille royale, notamment à l’abbaye de Fontevraud. L’abbatiat de Fontevraud est détenu par des princesses de Bourbon de 1491 à 1670. La salle capitulaire de Frontevraud est devenue au fil du temps un monument tout entier consacré à la gloire des Bourbons. Outre les abbesses de Fontevraud, les fresques présentent à la vue d’autres religieuses de Fontevraud qui sont toutes de la famille de Bourbon. L’iconographie met à l’honneur tout ce que la famille royale et ses proches alliés comptent de religieuses : Antoinette d’Orléans-Longueville, fondatrice de la congrégation nouvelle du Calvaire placée sous la règle de saint Benoît, Louise-Adélaïde d’Orléans, fille du Régent Philippe d’Orléans et abbesse de Chelles.

La reine de France joue un rôle de protection vis-à-vis des religieuses, notamment les fondatrices d’ordres nouveaux et les réformatrices. Par exemple, la reine est représentée sur la gravure de la bénédiction abbatiale de Madeleine Molé, abbesse de Saint-Antoine-des-Champs. La reine Anne d’Autriche est représentée aux côtés de la fondatrice des bénédictines de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement Catherine de Bar. La reine apparait comme co-fondatrice de cet ordre, destiné à prier pour la conversion des hérétiques et protestants, très fortement appuyé par le pouvoir royal et à son service. La reine Anne d’Autriche soutient aussi la réformatrice Marguerite de Veny d’Arbouze, abbesse du Val-de-Grâce. Cette amitié profonde et sincère est concrétisée par la représentation d’Anne d’Autriche sur le frontispice de la Vie de Marguerite d’Arbouze par Jacques Ferraige[2].

 


[1]- Kaspar ELM, « Réseaux monastiques, pouvoirs et société », dans Naissance et fonctionnement des réseaux monastiques et canoniaux. Actes du Premier Colloque international du CERCOM, Saint-Etienne, 16-18 septembre 1985, Travaux et Recherche, Publications Université Jean Monnet, Saint-Etienne, 1991, p. 339.

Alain DUBREUCQ, « Le monachisme féminin dans le nord de la Gaule à l’époque carolingienne », dans Les religieuses dans le cloître et dans le monde, des origines à nos jours, Actes du IIème colloque international du CERCOR (Poitiers, 29 sept-2 oct 1988), Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 1994 (CERCOR-Travaux et recherches), p. 57 et 63. 

[2]- Jacques FERRAIGE, La vie admirable et digne d’une fidèle imitation de la Bienheureuse Mère Marguerite d’Arbouze, ditte de Saincte-Gertrude. Composée par M. Jacques Ferraige, Prestre, Docteur en théologie et Prédicateur de la Reyne. Dédiée à sa Majesté, chez Fiacre Dehors et Jean Moreau, Paris, 1628, frontispice.