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Intérêt et portée du corpus

Quels sont les principaux centre d’intérêts de cette étude ? Quelle est la portée du corpus ? 

L’étude d’un media particulier : l’image

L’étude se penche sur un media particulier, celui de l’image. En règle générale, l’image est moins prise en compte que l’écrit dans l’historiographie des religieuses bénédictines et cisterciennes de l’époque étudiée. Or, l’écrit et l’image véhiculent des enjeux qui paraissent différents car ils ne visent pas forcément le même public, ni les mêmes buts. Un précédent travail de recherche (mémoire de Master 2) a fait prendre conscience à l’auteure de l’importance de l’image dans la stratégie de promotion d’un ordre religieux. L’étude de l’image permet cette approche plus fine des imaginaires mentaux et culturels, des sensibilités.

Quand cela est possible de le faire, la comparaison entre image et texte permet de voir si l’image de ces religieuses s’accorde avec les représentations littéraires ou si elle en diffère totalement. Les bénédictines et les cisterciennes sont découvertes à travers l’iconographie qu’elles ont suscitée, et non par les textes qu’elles ont produits. L’apport de l’image est considéré par rapport à la manière dont ces religieuses veulent être perçues.  

Des moniales autonomes ou sous influence ?

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les cisterciens et les bénédictins sont victimes de la commende[1], ce qui n’est pas le cas de leurs consœurs. Les cisterciens doivent se ranger dans une des deux observances de l’ordre de Cîteaux[2]. Les bénédictins sont fortement incités à s’affilier à la congrégation réformée de Saint-Maur[3]. Or, les bénédictines et les cisterciennes n’ont pas les mains aussi liées que leurs homologues masculins. Il n’existe pas d’équivalent féminin aux grandes congrégations citées[4]. Il n’y a pas non plus de groupements d’abbayes avec réunions des supérieures. Malgré le poids des supérieurs réguliers, de l’évêque, du pape et du roi de France, les moniales bénédictines et cisterciennes sont « relativement » autonomes. Il existe une grande variété de couvents, tant du point de vue juridique que du point de vue des observances[5]. Les bénédictines et les cisterciennes jouissent d’une liberté relative dans leur vie interne. En est-il de même dans leur iconographie ?

De plus, en dépit de l’ancienneté de la Règle de saint Benoît et des établissements monastiques, les bénédictines et les cisterciennes sont très actives à l’époque moderne. Grâce à leurs abbayes fondées par des rois, des reines, des saints et saintes médiévales, elles bénéficient d’un grand prestige et de nombreux biens matériels. Nombre de grandes réformatrices de la vie monastique à l’époque moderne sont issues de ces couvents. Les mouvements réformateurs agissent-ils dans et à travers l’image ?  

Un sujet inédit

La question de la mise en image des religieuses bénédictines et cisterciennes a été peu traitée et souvent de façon fragmentaire. Il n’existe pas d’étude antérieure portant spécifiquement sur la représentation iconographique des bénédictines et des cisterciennes en France aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Ce sujet n’a fait l’objet ni de synthèse ni d’étude d’ensemble.

Le corpus permet de croiser l’étude de masse avec l’analyse détaillée. Le travail de collecte des œuvres vise à avoir une vision la plus globale possible, pour pouvoir repérer à la fois les grands axes de lecture des œuvres et les détails propres à chacune. La recherche et la mise en contexte des documents iconographiques ont mené à la description aussi précise que possible des documents, leur commentaire et leur analyse. La création ex nihilo d’un corpus inédit puis la mise en forme de ce corpus dans une base de données iconographiques unique à ce jour constitue la création d’un nouvel outil à destination de la communauté « historienne ». 

Délimitation temporelle et géographique du corpus

L’étude est circonscrite à l’espace français dans ses limites actuelles, ce qui inclut des territoires qui ne sont pas encore intégrés au royaume de France lors de l’époque moderne ou faisant l’objet de guerres territoriales avec des états voisins, comme le Nord de la France, la Lorraine, l’Alsace, la Franche-Comté et la Savoie. En ce qui concerne le cadre temporel, le choix des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles permet une analyse sur un temps long marqué de ruptures significatives pour le monde religieux féminin.  

 


[1]- Le régime de la commende est appliqué aux monastères masculins à partir du Concordat de Bologne de 1516. Le roi de France nomme l’abbé lorsque le siège abbatial est vacant. En théorie, l’abbé commendataire doit être profès de l’ordre et avoir plus de vingt-trois ans. Mais le roi dispose de dérogations pour la nomination des personnes de sang royal et des personnes de haut rang. 

Sur le régime de la commende : Pierre CONDIS et Michel ANDRE, Dictionnaire de droit canonique et des sciences en connexion avec le droit canon, Paris, Hippollyte WALZER, 1901, Tome 1, p. 442-444. 

[2]- Au XVIIe siècle, les cisterciens se divisent en « Commune Observance » et « Etroite Observance ». Cette distinction est entérinée par le bref In Suprema du pape Alexandre VII en 1667. 

[3]- Les congrégations bénédictines de Saint-Maur et Saint-Vanne se refusent à prendre en charge des femmes. 

[4]- Il existe cependant plusieurs congrégations de bénédictines et de cisterciennes fondées à l’époque tridentine. Mais il s’agit de charismes particuliers comme l’adoration du Saint-Sacrement ou la contemplation du Calvaire. Il n’y a aucune obligation d’adhérer à ces congrégations pour les abbayes de bénédictines et de cisterciennes. Ces congrégations nouvelles viennent se placer en parallèle des abbayes traditionnelles mais ne s’y imposent pas.

[5]- Jean DE LA CROIX BOUTON, Les moniales cisterciennes. T.2, histoire externe du XVIe siècle à nos jours, Commission pour l'histoire de l'ordre de Cîteaux, Abbaye d'Aiguebelle, Grignan, 1987, p. 133-134.