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les religieuses et le protestantisme à l’époque moderne

Focus sur … les religieuses et le protestantisme à l’époque moderne

 

Le simple fait de représenter une religieuse est un acte catholique et militant car les protestants réfutent les vœux monastiques. 

Des vœux « contre-nature » selon les protestants

En effet, concernant les moniales, Luther a produit deux écrits : De votis monasticis et De abroganda missa privata. Pour les luthériens, les vœux de religion sont opposés à la parole de Dieu. Ils sont contraires à la foi car Dieu a ordonné à ses fidèles de mettre en Lui leur foi et leur confiance et non en leurs mérites. Ils sont contraires à la liberté évangélique. Ils soustraient les enfants à l’obéissance qu’ils doivent à leurs parents, obligent à observer une chasteté qu’il n’est pas possible à tous de garder. L’argumentation de Luther est réfutée dès 1522 par le franciscain Gaspard Sasger puis par le dominicain Ditenberg en 1544. Au contraire, Jean Eberlin de Günzbourg, ancien franciscain, prêche la fin du sacerdoce et de la vie monastique. Les vœux monastiques sont stigmatisés comme une « erreur » de l’Eglise catholique : « Le vœu de pauvreté onéreux à l’Etat, le vœu de virginité qui tarit la population, le vœu d’obéissance qui attente à la conscience ». Le Christ n’a jamais ordonné d’enfermer les filles dans un couvent. Au contraire, la Genèse dit : « Croissez et multipliez-vous ».

Le 15 juin 1521, la Bulle Exsurge Domine condamne les principales idées de Luther car il commence à ébranler les croyances et les pratiques religieuses. Dès 1525, les idées de Luther produisent une véritable révolution sociale dans l’aire germanique avec destructions d’églises et de châteaux, pillages, débauche, défection au sein du clergé, émeutes. Les moniales allemandes sont rapidement contaminées. Luther justifie la sortie du monastère en 1523 avec Comment les vierges peuvent quitter leur monastère sans désobéir à Dieu. Il fait de Catherine Bora, une ancienne cistercienne, sa secrétaire puis son épouse. Dix-sept couvents de bénédictines et quinze de cisterciennes disparaissent dans le Saint Empire Romain Germanique. De nombreux couvents de femmes sont transformés en maisons d’éducation pour filles dans des sortes de communautés mi-protestantes mi-catholiques ou entièrement protestantes[1]

La doctrine luthérienne est connue en France dès 1521 par des tracts et des livres. Dès les années 1520-1525, la doctrine luthérienne a cours en France et trouve des adeptes. En 1550, le luthéranisme s’est répandu dans les grandes villes. Le principal auteur français de la Réforme est Jean Calvin, auteur de l’Institution chrétienne en 1536. La politique d’Henri II à l’égard des protestants est la répression rigoureuse. Il crée le 8 octobre 1547 la chambre ardente. De leurs côtés, les protestants fondent une Eglise nationale en 1559. Dans les couvents français, les idées de Luther sèment la discorde. Des moniales et des abbesses se convertissent au protestantisme. Certaines sortent pour se marier.

La contre-attaque catholique

La représentation iconographique de religieuses bénédictines et cisterciennes exemplaires, la diffusion massive de ces représentations sont des enjeux majeurs pour l’Eglise catholique au XVIIe siècle pour sauver les religieuses de la tentation dangereuse du protestantisme. Cette reprise en main visuelle des bénédictines et des cisterciennes est certainement jugée utile par l’Eglise qui a eu à souffrir au XVIe siècle sur ce point. 

Au XVIIe siècle, il n’est plus question de religieuses converties au protestantisme mais de religieuses « qui convertissent »[2]. Les abbesses bénédictines et cisterciennes sont en première ligne d’attaque en ce qui concerne l’apostolat féminin. Elles peuvent influencer des femmes protestantes de même niveau social qu’elles grâce aux réseaux de sociabilité des abbayes. Dans leurs terres, elles peuvent limiter comme elles l’entendent le culte protestant. Les abbayes de bénédictines et de cisterciennes peuvent être le refuge de jeunes filles protestantes prêtes à abjurer, entrant en religion par la suite. 

 


[1]- Sur les moniales et le protestantisme au XVIe siècle : Jean DE LA CROIX BOUTON, Les moniales cisterciennes, abbaye d’Aiguebelle, Grignan, 1986-1989, 4 vol., T. 2, p. 9-14, 23, 45 et 55.

[2]- Les articles du colloque organisé par le Centre Mériodional de Rencontres sur le XVIIe siècle sur « La conversion au XVIIe siècle » examinent de nombreux cas concrets de conversions dans les deux sens ainsi que les méthodes employées. La conversion au XVIIe siècle, Colloque du Centre méridional de rencontres sur le XVIIe siècle, Marseille, 1983.